Comment créer un benchmark concurrentiel efficace

Histoire de remettre 2-3 notions au centre. Sans oublier que ce n'est pas de la veille. Mais une autre façon de voir un marché.

Comment créer un benchmark concurrentiel efficace

Un benchmark concurrentiel centralise toutes les données de votre marché dans un tableau comparable. L'objectif : comprendre votre position, identifier vos forces et faiblesses, et construire des arguments commerciaux solides face à vos concurrents.

Plus d'un tiers des entreprises qui réalisent un benchmark structuré identifient des opportunités de croissance qu'elles n'avaient pas détectées auparavant. L'exercice prend quelques heures, mais les retours sont immédiats : meilleure connaissance du marché, arguments de vente renforcés, vision claire des axes d'amélioration.

Pourquoi investir du temps dans un benchmark

Détecter les opportunités cachées

Un benchmark bien construit révèle les zones où vos concurrents sont faibles. Si trois concurrents majeurs négligent leur présence sur LinkedIn alors que votre cible est en BtoB, vous tenez une opportunité de différenciation. Les données objectives remplacent les intuitions.

Construire une base de connaissances partagée

Vos équipes commerciales, marketing et produit travaillent avec les mêmes informations. Plus besoin de consulter vingt sites différents pour comparer une fonctionnalité. Un tableau unique centralise tout. Les nouveaux collaborateurs comprennent le marché en une heure au lieu d'une semaine.

Suivre l'évolution du marché

Un benchmark daté (notez toujours la date de collecte) permet de créer une version actualisée six mois ou un an plus tard. Vous voyez qui a explosé sur les réseaux sociaux, qui a lancé de nouvelles fonctionnalités, qui a levé des fonds. Cette vision dynamique anticipe les mouvements du marché.

Le format : un tableur, une logique simple

Utilisez Excel ou Google Sheets. Une ligne par entreprise, une colonne par critère. Ce format permet de filtrer, trier et comparer instantanément les données.

Google Sheets offre un avantage : le partage en temps réel et la possibilité de travailler à plusieurs simultanément. Vous gagnez du temps en répartissant la collecte de données.

Ce système fonctionne particulièrement bien pour les entreprises avec une activité en ligne, mais reste adaptable à tous les secteurs. Un commerce physique peut suivre les mêmes principes en ajustant les critères (emplacement, surface de vente, amplitude horaire).

Méthodologie : deux étapes clés

Étape 1 : identifier et classer vos concurrents

Listez d'abord les concurrents directs : ceux qui proposent des produits ou services similaires aux vôtres, sur la même zone géographique, avec le même type de clientèle.

Ajoutez ensuite les concurrents indirects dans une section séparée si nécessaire. Un restaurant peut considérer les services de livraison de repas comme concurrents indirects.

Classez-les par degré de similarité avec votre offre. Vos propres données vont en première ligne : elles servent de référence pour tous les autres. Plus un concurrent partage de caractéristiques avec vous (fonctionnalités, prix, cible), plus il représente une menace directe.

Vous pouvez reclasser en fin de recherche selon ce que vous aurez découvert. Certains concurrents que vous pensiez proches se révèlent finalement très différents une fois les données collectées.

Étape 2 : collecter les données méthodiquement

Remplissez d'abord votre propre ligne complètement. Cela définit le standard et facilite le positionnement des concurrents. Pour la partie fonctionnalités notamment, partir de votre offre évite d'oublier des éléments importants.

Travaillez concurrent par concurrent. Terminez une ligne avant de passer à la suivante. Cette approche séquentielle évite les erreurs et les oublis.

Les critères à analyser

Le benchmark comprend six grandes catégories de critères. Adaptez-les à votre secteur : les éléments proposés sont génériques et modulables.

Critères d'identification

Nom de l'entreprise : le nom commercial utilisé publiquement.

Raison sociale : souvent différente du nom commercial. Elle simplifie vos recherches sur les plateformes d'information financière (societe.com, Infogreffe). Vous la trouvez dans les mentions légales du site concurrent.

Slogan : quand il existe, il donne le positionnement de l'entreprise en quelques mots. Intéressant pour comparer les messages.

Critères informationnels

Date de création : disponible sur societe.com ou dans la section « à propos » du site. Permet de contextualiser la taille et la maturité de l'entreprise.

Siège social : choisissez entre l'adresse administrative (souvent une domiciliation) ou les bureaux réels où travaillent les équipes. Cela dépend de votre objectif : si vous analysez l'implantation géographique réelle, prenez les bureaux.

Pays d'origine : le pays de création de l'entreprise, utile pour les benchmarks internationaux.

Nombre d'employés : consultez la page équipe du site ou LinkedIn. Sur LinkedIn, cherchez qui déclare travailler dans l'entreprise et comptez les profils. Cette méthode donne une estimation fiable.

Type de clientèle : BtoB, BtoC, BtoG. Si votre secteur est exclusivement BtoB, remplacez par : TPE, PME, ETI, Grands groupes. Adaptez selon votre marché.

Zone de chalandise : la zone géographique qui génère la majorité du chiffre d'affaires. Définissez-la par département, région ou échelle nationale selon votre activité. Pour un commerce local, utilisez un rayon en kilomètres.

Présence internationale : oui ou non. Ajoutez éventuellement les pays couverts si pertinent.

Critères financiers

Les données financières sont souvent difficiles à obtenir. Plusieurs sources et méthodes d'estimation permettent de construire une image approximative mais utile.

Chiffre d'affaires : consultez societe.com pour les sociétés françaises, ou les équivalents dans d'autres pays. Les comptes des sociétés sont publics, mais parfois incomplets. Les versions payantes donnent plus de détails (bilans complets, historique sur plusieurs années).

Prix : relevez les tarifs affichés sur le site concurrent. Si les prix ne sont pas publics, demandez un devis en vous faisant passer pour un prospect. Pour les abonnements ou offres multiples, calculez une moyenne ou notez la fourchette (exemple : 29-99 €/mois).

Levées de fonds : cherchez les annonces sur des sites spécialisés (Maddyness, Les Échos Start, TechCrunch pour l'international). Faites le cumul de toutes les levées pour avoir un montant total.

Nombre de clients : si vous avez le chiffre d'affaires et le prix moyen, divisez l'un par l'autre. Sinon, cherchez les mentions marketing type « déjà 10 000 clients satisfaits » sur le site ou dans les communiqués de presse.

Estimation des coûts : commencez par la masse salariale, le poste de dépense le plus important. Formule simple : nombre d'employés × 3 500 €. Cette estimation correspond au coût employeur mensuel pour un salaire net de 2 000 €.

Ajoutez les coûts marketing estimés. Si le concurrent fait de la publicité Google Ads, utilisez un outil comme SemRush pour obtenir son volume SEA (trafic payant), puis multipliez par le coût par clic moyen de votre secteur (trouvable sur Google Keyword Planner).

Estimation des revenus : prix moyen × nombre de clients. Si vous avez le CA réel, comparez avec votre estimation pour valider la méthode. Soustrayez l'estimation des coûts pour obtenir une idée approximative des bénéfices.

Ces estimations ne sont jamais parfaites, mais elles donnent des ordres de grandeur suffisants pour comparer les concurrents entre eux.

Critères de présence digitale

URL du site : avoir le lien direct dans le tableau facilite la navigation. Un clic et vous accédez au site concurrent.

URL du blog : si le concurrent produit du contenu, notez l'adresse. Permet d'analyser leur stratégie éditoriale.

Volume SEO : le trafic organique estimé. Utilisez SemRush, Ahrefs ou Ubersuggest. Point crucial : utilisez le même outil et la même période pour tous les concurrents. Les chiffres absolus importent moins que les comparaisons relatives.

SemRush offre plusieurs recherches gratuites par jour, suffisant pour un benchmark de 10-15 concurrents réparti sur une semaine.

Volume SEA : le trafic payant estimé. Même logique que pour le SEO : un seul outil, une seule période de mesure.

Critères de réseaux sociaux

Pour chaque plateforme (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn, YouTube) :

  • Lien du profil
  • Nombre d'abonnés ou followers

Astuce pratique : consultez le footer (pied de page) du site concurrent. La plupart des entreprises y placent tous leurs liens sociaux. Vous gagnez du temps par rapport à une recherche plateforme par plateforme.

Notez impérativement la date de collecte. Dans six mois, vous comparerez l'évolution. Un concurrent qui passe de 5 000 à 50 000 abonnés LinkedIn signale une forte dynamique de croissance.

Critères de réputation

Google My Business : tapez le nom de l'entreprise dans Google. La fiche établissement apparaît (si elle existe).

Notez deux éléments :

  • Note moyenne (sur 5)
  • Nombre d'avis

La nuance compte : 4,8/5 sur 200 avis vaut beaucoup plus que 5/5 sur 3 avis. Le volume valide la note.

Critères de fonctionnalités

Cette section est la plus personnalisée. Listez vos propres services, produits ou fonctionnalités en colonnes. Pour chaque concurrent, indiquez s'il propose l'équivalent (oui/non, ou un système de notation plus nuancé).

Exemple pour un SaaS de gestion de projet :

  • Gestion des tâches
  • Diagramme de Gantt
  • Suivi du temps
  • Intégration Slack
  • Application mobile
  • API ouverte
  • Rapports personnalisés

Plus un concurrent coche de cases identiques aux vôtres, plus il représente une menace directe. Cette analyse révèle aussi vos avantages différenciants : les fonctionnalités que vous possédez et que peu de concurrents offrent.

Adapter le benchmark à votre contexte

Les critères proposés forment une base générique. Modifiez, retirez ou ajoutez selon vos besoins spécifiques.

Exemple secteur e-commerce : ajoutez « Délai de livraison », « Frais de port », « Politique de retour », « Programme de fidélité ».

Exemple secteur SaaS : ajoutez « Période d'essai gratuit », « Onboarding proposé », « Support client (chat/email/téléphone) », « Documentation technique ».

Exemple secteur physique : ajoutez « Surface du point de vente », « Emplacement (centre-ville/zone commerciale) », « Horaires d'ouverture », « Places de parking ».

Exploiter les résultats du benchmark

Analyser les données collectées

Une fois le tableau rempli, prenez du recul. Utilisez les fonctions de tri et de filtre de votre tableur pour faire émerger des insights.

Triez par nombre d'employés : qui sont les leaders en taille ? Triez par volume SEO : qui domine le référencement naturel ? Triez par note Google My Business : qui a la meilleure réputation client ?

Identifiez les forces de chaque concurrent. Identifiez leurs faiblesses. Positionnez-vous : où êtes-vous fort ? Où êtes-vous faible ?

Les faiblesses ne sont pas toujours à corriger. Parfois, elles révèlent un choix stratégique différent. Si tous vos concurrents ont des prix plus élevés, cela peut indiquer que vous vous positionnez sur une cible différente (marché de masse vs. premium).

Partager avec les équipes

Diffusez le benchmark à toute l'entreprise. Chaque service en tire des bénéfices :

Commerciaux : obtiennent des contre-arguments factuels. Face à un prospect qui mentionne un concurrent, ils connaissent ses forces et faiblesses. « Concurrent X propose effectivement cette fonctionnalité, mais leur temps de réponse support est de 48h contre 2h chez nous. »

Marketing : identifie les messages différenciants. Si vous êtes le seul à proposer une certaine fonctionnalité parmi vos concurrents principaux, c'est un argument de campagne.

Produit : repère les tendances du marché. Si trois concurrents lancent une même fonctionnalité, c'est probablement une demande client forte.

Direction : prend des décisions stratégiques éclairées sur les investissements prioritaires.

Programmer les mises à jour

Créez une nouvelle version du benchmark régulièrement. La fréquence dépend de la vitesse d'évolution de votre marché :

  • Startups / tech : tous les 6 mois
  • Secteurs traditionnels : tous les 12-18 mois
  • Marchés très stables : tous les 2-3 ans

Conservez les anciennes versions. La comparaison dans le temps révèle les dynamiques : qui accélère, qui stagne, qui disparaît, qui arrive.

Ajoutez les nouveaux entrants à chaque mise à jour. Un concurrent qui n'existait pas il y a un an peut être une menace majeure aujourd'hui.

Créer un système de notation

Google Sheets permet d'aller plus loin : attribuez une note à chaque concurrent sur différents critères (par exemple : présence digitale /10, prix /10, fonctionnalités /10).

Calculez un score global. Identifiez le concurrent le plus proche de vous (menace principale) et le concurrent le plus influent sur le marché (leader à surveiller).

Cette notation facilite les présentations à la direction : « Concurrent A représente notre menace principale avec un score de similarité de 8,5/10, mais Concurrent B domine le marché avec un score d'influence de 9,2/10. »

Checklist de réalisation

Pour vous assurer de ne rien oublier, suivez cette checklist étape par étape :

Avant de commencer
✅ Définir l'objectif du benchmark (lancement produit, stratégie commerciale, levée de fonds)
✅ Choisir le nombre de concurrents à analyser (entre 5 et 15 est optimal)
✅ Créer le fichier tableur (Google Sheets recommandé pour le travail collaboratif)
✅ Répartir les tâches si vous êtes plusieurs

Phase de collecte
✅ Remplir votre propre ligne en premier
✅ Collecter les données d'identification (nom, raison sociale, slogan)
✅ Collecter les données informationnelles (création, siège, employés, cible)
✅ Collecter les données financières (CA, prix, levées, clients)
✅ Mesurer la présence digitale (SEO, SEA, site, blog)
✅ Relever les réseaux sociaux et leurs audiences
✅ Noter la réputation (Google My Business)
✅ Analyser les fonctionnalités proposées
✅ Noter la date de collecte sur chaque onglet
✅ Vérifier la cohérence des données

Phase d'analyse
✅ Trier les données par différents critères
✅ Identifier les 3 forces principales de chaque concurrent
✅ Identifier les 3 faiblesses principales de chaque concurrent
✅ Repérer vos propres avantages différenciants
✅ Repérer vos points d'amélioration prioritaires
✅ Créer un système de notation (optionnel)

Phase de partage
✅ Rédiger un résumé exécutif (2-3 pages max)
✅ Préparer une présentation visuelle des insights clés
✅ Partager avec les équipes concernées
✅ Organiser une session de débriefing
✅ Définir les actions concrètes à mener

Suivi dans le temps
✅ Programmer la prochaine mise à jour dans le calendrier
✅ Désigner un responsable du suivi
✅ Créer une alerte pour surveiller l'actualité des concurrents principaux

Outils et ressources complémentaires

Pour aller plus loin dans votre analyse concurrentielle, plusieurs outils facilitent la collecte de données :

Informations légales et financières

  • societe.com (France)
  • Infogreffe (France)
  • Companies House (UK)
  • Crunchbase (international, focus startups)

Analyse SEO/SEA

  • SemRush (version gratuite limitée mais suffisante)
  • Ahrefs (très complet, payant)
  • Ubersuggest (gratuit avec limitations)
  • Google Keyword Planner (gratuit, nécessite un compte Google Ads)

Analyse réseaux sociaux

  • Social Blade (YouTube, Instagram, Twitter)
  • HypeAuditor (Instagram, analyse qualité audience)
  • LinkedIn directement (nombre d'employés, abonnés page)

Veille concurrentielle automatisée

  • Google Alerts (gratuit, notifications sur mots-clés)
  • Mention (surveillance de marques, payant)
  • Feedly (agrégateur de flux RSS, gratuit/payant)

Les erreurs à éviter

Ne pas actualiser le benchmark : un benchmark figé perd rapidement sa valeur. Le marché évolue, vos concurrents aussi. Sans mise à jour, vous prenez des décisions sur des données obsolètes.

Collecter trop de données : un benchmark surchargé devient illisible. Concentrez-vous sur les critères qui impactent réellement vos décisions. Mieux vaut 15 critères pertinents que 50 critères dont vous ne ferez rien.

Négliger vos propres données : certaines entreprises analysent leurs concurrents mais remplissent mal leur propre ligne. Soyez aussi rigoureux avec vos données qu'avec celles des autres.

Rester subjectif : le benchmark sert justement à objectiver. Si vous notez « mauvais design » sans critère mesurable, vous introduisez du biais. Préférez « temps de chargement : 5 secondes » ou « note Google My Business : 3,2/5 ».

Ne pas partager les résultats : un benchmark qui reste dans un tiroir ne sert à rien. La valeur vient du partage et des actions qui en découlent.

Le temps d'investissement

Pour un benchmark de 10 concurrents avec 25-30 critères, comptez :

  • 1-2 heures de préparation (création du tableau, définition des critères)
  • 30-45 minutes par concurrent pour la collecte de données
  • 1-2 heures d'analyse et de mise en forme
  • 1 heure de rédaction du résumé exécutif

Total : environ 8-12 heures pour une première version complète.

Les mises à jour suivantes sont plus rapides (4-6 heures) car la structure existe déjà. Vous ne faites qu'actualiser les chiffres et ajouter les nouveaux entrants.

Ce temps d'investissement est rentabilisé dès la première décision éclairée qu'il permet de prendre : choix de positionnement prix, priorités produit, arguments commerciaux, stratégie de contenu.

Un benchmark concurrentiel bien fait devient un document de référence consulté régulièrement par toute l'entreprise. Il structure la réflexion stratégique et remplace les débats d'opinion par des constats factuels.